J. Bastin & E. Faral, La bataille des vices contre les vertus
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Le texte
  Œuvres complètes de Rutebeuf, J. Bastin & E. Faral, 1959-1960 : Paris, Picard, vol. 1, pp. 306-312.
   
  La bataille des vices contre les vertus.
   
1 Puis qu’auteursauteurs, J 1 : écrivain ancien dont les œuvres sont commentées aux cours et servent de modèle (langage scolastique). Cf. M. D. Chenu, Auctor, Actor, Author, dans Bulletin Du Cange, III, 1927, pp. 81-86. et auctoritezauctoritez, J 1 ; AT 1978 ecriz d’auctorité ; L 28 auctoritez devines : textes doctrinaux (langage scolastique) — F 6 metre en auctorité : faire accepter comme digne de foi.[1]
2 S’acordent que c’est veritez
3 Qui est oiseus de legierlegier (de), T 6, AD 18, U 58, J 3, K 12, AO 26, 27, 28 : facilement. peche,
4 Et cil s’ame trahist et trechetreche, J 4, AL 38, ind. pr. 3 de trechier : tromper.
5 Qui sanz ouvrerouvrer, J 5, 10 : travailler ; E 165, fui. 3, ouverra. sa vie finefiner, T 6, 11, finer vers (envers) quelqu’un : s’acquitter envers ; T 8, ind. pr. 3 : mourir ; T 116, ind. pr. 3 ; L 89, ind. pr. 6 de finer : cesser ; J 5, ind. pr. 3, fine : achève ; AS 658, finaissent, subj. imp. 6 de finer de : se satisfaire de.,
6 Quar tel vie n’est mie finefin, fine, adj., T 1, X 17 : fidèle, dévoué ; AE 60, T 7, J 6, AE 62 ; beau belle.,
7 Por ce me vueil a oevre metre
8 Si com je m’en sai entremetre :
9 C’est a rimer une matire ;
10 En leu d’ouvrerouvrer, J 5, 10 : travailler ; E 165, fui. 3, ouverra. a ce m’atireatire (m’), G 2, J. 10, ind. pr. 1 de atirier (soi) : se disposer.,
11 Quar autre ouvraingneouvraingne, J 11 : ouvrage. ne sai fere.
12 Or entendez a mon afere,
13 Si orrez de deus Ordres saintes
14 Que Diex a eslues enen, J 14, prépos. : entre. maintes,
15 Qu’aus vices se sont combatu
16 Si que vice sont abatu
17 Et les vertuz sont essauciesessaucier, J 53 ; O 192 essauce, ind. pr. 3 ; J 17 essaucies, p. p. f. pl. de essaucier : exalter, élever. ;
18 S’orrez comment els sont haucieshaucies, J 18 : élevées.
19 Et comment visce sont vaincu.
20 Humilité par son escu
21 A Orgueil a la terre mis,
22 Qui tant estoit ses anemis.
23 Larguece i a mis Avarisce,
24 Et Deboneretez un visce
25 C’on apele Ire la vilaine ;
26 Et Envie, qui partout raineraine, J 26, ind. pr. 3 de regner.,
27 Restrest, J 27, Y 167, AU 118, composé de re et de est (ind. pr. 3 de estre) et signifiant : est, d’autre part ; AT 1126, se rest, s’est de son côté. vaincue par Charité ; fol. 327 r°
28 De ce dirai la verité :
29 C’est or ce que poi de gent cuide.
30 Proesce ra vaincue Accideaccide, J 30 : paresse, manque de zèle (s’applique surtout à la vie monastique).,
31 Et Abstinence Gloutonie
32 Qui mainte gent avoit honie
33 Et mainte richece gastee.
34 S’orrez comment dame Chastee,
35 Qui tant est fine et nete et pure,
36 A vaincue dame Luxure.
37        N’a pas bien soissante et dis anz[2] [3],
38 Se Rustebués est voir disanzvoirdisanz, J 38, adj. attribut du sujet Rutebues : véridique.,
39 Que ces deus saintes Ordres vindrent,
40 Qui les fezfez, J 40 : faits, actes. aus Apostres tindrent[4]
41 Par preeschier, par laborer,
42 Par Dieu servir et aorer.
43 Menor et Frere Prechëeur,
44 Qui des ames sont peschëeur,
45 Vindrent par volenté devine.
46 Je di por voirvoir, E 128, D 107, R 176, AT 73, 90, s. m. : vérité — AK 160, voirs, adj. m. : vrai — AK 9, voir, adv. : en vérité — AB 6 pour voir, J 46, por voir : en vérité ; H 279, a voir : pour vrai — C 95, fere voir : établir la vérité de..., non pas devinedevin, AD 137, F 66, ind. pr. 1 de deviner : dire au hasard ; J 46, H 299, devine, ind. pr. 1.,
47 S’il ne fussent encor venu,
48 Maint grant mal fussent avenu
49 Qui sont remez et qui remaingnent[remaindre, remanoir] remanoir, AU 111, BE 57, inf. : rester ; U 120, H 201, AK 115, P 20, remaint, ind. pr. 3 ; AV 143 remanoit, ind. imparf. 3 ; AT remest, parf. 3 ; AU 56, remez, p. p. ; U 128 remaigne, Y 113 remeigne, subj. pr. 3 ; AS 710, AC 27, remainsist, subj. imp. 3 de remaindre (remanoir) : rester — E 161 remaindre, E 162 remanoir, inf. : cesser — AT 412 remanoir ; J 49, AT 1206, remez. p. p. ; J 49 remaingnent, ind. pr. 6 : rester absent, ne pas avoir lieu. Cf. M. Wilmotte, Mél. Thomas, pp. 499 ss.
50 Par les granz biens que il enseignent.
51 Por preeschier humilité,
52 Qui est voie de verité,
53 Por l’essaucieressaucier, J 53 ; O 192 essauce, ind. pr. 3 ; J 17 essaucies, p. p. f. pl. de essaucier : exalter, élever. et por l’ensivreensivre, J 53 : suivre.
54 Si comme il truevent en lor livre,
55 Vindrent ces saintes genz en terre :
56 Diex les envoia por nous querre.
57        Quant il vindrent premierement[5],
58 Si vindrent assez humblement :
59 Du pain quistrent, tel fu la riegle,
60 Por oster les pechiez du siecle.
61 S’il vindrent chiés povre provoireprovoire, J 61, F 139 : prêtre. ,
62 Tel bien comme il ot, c’est la voirevoire, B 46, J 62, s. f. : vérité.,
63 Pristrent en bone paciance
64 El non de sainte penitance.
65 Humilitez estoit petite,
66 Qu’il avoient por aus esliteeslite, J 66, p. p. f. de eslire : élue ; G 119, esliz : élus. :
67 Or est Humilitez greignor,
68 Que li Frere sont or seignor
69 Des rois, des prelas et des contes.
70 Par foi, si seroit or granz hontes
71 S’il n’avoient autre viandeviande, X 94, E 154, J 71 : nourriture.
72 Que l’Escripture ne demande,
73 Et ele n’i met riens ne oste
74 Que ce c’on trueve enchiés son oste.
75 Humilitez est tant creüecreüe, J 75, p. p. de croistre : croître.
76 C’ Orguex corne la recreüerecreüe, J 76, corne la r. : sonne la retraite..
77 Orguex s’en va, Diex le cravantcravant, J 77, subj. pr. 3 de cravanter : écraser, ébranler. !
78 Et Humilitez vient avant ;
79 Et or est bien droiz et resons[6]
80 Que si granz dame ait granz mesons
81 Et biaus palais et beles sales,
82 Maugré toutes les langues males
83 Et la Rustebuef tout premiers,
84 Qui d’aus blasmer fu coustumiers.
85 Ne vaut il miex c’umilité[7]
86 Et la sainte divinitédivinité, s. f., K 57, B 20, J 86 : théologie ; J 185, mestre de divinité : maître en théologie.
87 Soit leüelire, B 16, enseigner dans une faculté universitaire (vocabulaire scolastique) ; B 6, C 52, lisent, ind. pr. 6 ; J 87, AU 628, p. p. f. leüe. en roial palais,
88 C’on fist d’aumosnes et de laislais, Y 163, J 88, K 26, BF 170, s. m. : legs, testament — E 71, G 52, faire son l. : être à l’article de la mort.
89 Et de l’avoir au meillor roi
90 C’onques encor haïst desroidesroi, s. m., U 146, AT 1711, J 90, AK 111 : trouble, désordre — C 2, E 178 : dommage — AR 10 : méchanceté, discourtoisie — H 197 (sans) desroi : tranquillement, sans difficulté — R 160, qui de prendre face desroi : qui considère comme action coupable de prendre.,
91 Que ce c’on secorust la terre
92 Ou li fol vont folie querre,
93 Constantinoble, Rommenie ?
94 Se sainte Yglise escommenie[8],
95 Li Frere pueent bien assaudreassaudre, C 59, J 95 : absoudre.
96 S’escommeniez a que saudresaudre, J 96 : payer..
97        Por miex Humilité desfendre,
98 S’Orguex se voloit a li prendre,
99 Ont fondé deus palais li Frere,
100 Que, foi que doi l’ame mon pere,
101 S’ele avoit leenz a mengier,
102 Ne sire Orgueil ne son dangierdangier, AB 133, J 102 : pouvoir — AU 65, 70, autrui dangier : dépendance d’autrui.
103 Ne priseroit vaillant un oef
104 Deça uit mois, non deça noef[9] ;
105 Ainz atendroit bien dés le Liege[10]
106 Con li venist lever le siege.
107 Or parlent aucun mesdisant[11]
108 Qui par le païs vont disant
109 Que, se Diex avoit le roi pris,
110 Par qui il ont honor et pris,
111 Moult seroit la chose changie
112 Et lor seignorie estrangieestrangie, p. p. f. de estrangier, J 112 : écartée ; J 190, estrangies : séparées ; R 174, estrangiez, p. p. m. : séparé. :
113 Et tels lor fet or bele chiere
114 Qui pou avroit lor amor chiere,
115 Et tels lor fet samblant d’amor
116 Qui ne le fet fors por cremorcremour, AB 168, J 116 cremor, 216 cremor : crainte..
117 Et je respont a lor paroles
118 Et di qu’els sont vaines et volesvole, adj. m. et f., AT 437, 1908, AS 37, J 118, D 108 : volage, vain ou vaine. .
119 Se li rois fet en aus s’aumosne
120 Et il de ses biens lor aumosneaumosne, J 120, ind. pr. 3 de aumosner : céder à titre gratuit.
121 Et il en prennent, il font bien ;
122 Quar il ne sevent pas combien
123 Ne com longueslongues, J 123, adv. : longtemps. ce puet durer.
124 Li sages hom se doit murer
125 Et garnir por criemecrieme, J. 125, s. f. : crainte. d’assaut :
126 Por ce vous di, se Diex me saut,
127 Qu’il n’en font de riens a blasmer. fol. 327 v°
128 Se l’en lor fet samblant d’amer,
129 Il en sevent aucune chose[12] :
130 Por ce ont il si bien lor cort close
131 Et por ce font il ce qu’il font.
132 L’en dit : « mauvés fondementfondement, J 132, 133 : fondation ; U 119 : fondations (d’abbayes). fontfont, O 734, J 132, ind. pr. 3 de fondre : s’effondrer. » :
133 Por ce font il lor fondementfondement, J 132, 133 : fondation ; U 119 : fondations (d’abbayes).
134 En terre si parfondement
135 Quar[13], s’il estoit demain cheüscheüs, AU 322, p. p. de cheoir : tomber — J 135, p. p. de cheoir : échoir.
136 Et li rois Loÿs fust feüsfeüs, J 136 : décédé.,
137 Il se penssent bien tout l’afere,
138 Que il avroient moult a fere
139 Ainz qu’il eüssent porchaciéporchacier, AE 262 ; G 32 pourchacent, gérond. de porchacier : chercher — porchacier, R 7 ; AK 135 porchacent, ind. pr. 6 ; AK 68, porchaça, parf. 3 : rechercher — J 139, porchacié, p. p. ; R 117, inf. : se procurer.
140 Tel joiel comme il ont brassiébrassié, J 140, p. p. ; AK 66, brassa, part. 3 de brassier, machiner, négocier secrètement..
141 Le bien praingne l’en quant l’en puet[14],
142 C’on ne le prent pas quant l’en veut.
143        Humilitez est si grant dame
144 Qu’ele ne crientcriembre, X 66, F 42, inf. : craindre ; AD 3, J 144 crient, ind. pr. 3. homme ne fame ;
145 Et li Frere, qui la maintienent,
146 Tout le roiaume en lor main tienent ;
147 Les secret encerchentenchergent, AB 94, gérond. de encherchier, parcourir en cherchant ; J 147, encerchent, ind. pr. 6 : cherchent. et quierent[15],
148 Partout s’embatentembattre (soi) AB 21, O 469 ; AV 39, ind. pr. 3 s’embat ; J 148, s’embatent, ind. pr. 6 de embattre (soi) : se précipiter sur... et se fierentfierent (se), J 148, ind. pr. 6 de ferir (soi) : se jeter, pénétrer..
149        S’on les lest entrer es mesons,
150 Il i a trois bones resons :
151 L’une est qu’il portent bone bouche[16],
152 Et chascuns doit douter reprouche ;
153 L’autre, c’on ne se doit amordreamordre, K 62 : attacher — AB 203, amort, ind. pr. 3 : effrayer — A 31 amorde, subj. pr. 3 : happer — J 153, S’amordre, AF 2, me voudrai amordre, AT 204, 436, se vout amordre, inf. de amordre (soi), J 180 s’amort, AE S’en amort, ind. pr. 3 : S’appliquer, s’attacher — Y 74 S’amort, ind. pr. 3 : se mêle — AB 205 S’amort, AF 3 S’amort : S’acharne.
154 A vilenervilener, J 154 : traiter avec mépris. nule gent d’Ordre ;
155 La tierce si est por l’abit
156 Ou l’en cuide que Diex abitabite, G 79, ind. pr. 3 ; J. 156, habit, subj. pr. 3 de abiter : demeurer — K 51, ou papelars s’abite : se déguise. (Ms A seulement. Seul exemple de ce verbe au réfléchi dans T-L. Peut-être le résultat d’une erreur du scribe : collusion du s final de papelars avec l’initiale du mot suivant.),
157 Et si fet il, je n’en dout mie,
158 Ou ma penssee est m’anemie.
159        Par ces resons et par mainte autre[17]
160 Font il aler lance sor fautrefautre, R 38 : feutre — AV 461 : grabat .c. au f. : fait un acte répugnant — AS 786 : couverture — J 160, K 28, lance sor fautre : lance en arrêt.
161 Larguece desor Avarisce ;
162 Quar trestoute la char herice
163 Au mauvés qui les voit venir :
164 Tart li est qu’il puisse tenir
165 Chose qui lor soit bone et bele,
166 Quar il sevent mainte novele,
167 Si lor fet cil et joie et feste
168 Por ce qu’il se doutedouter, X 66, AB 119, F 38 ; Y 82 doutei, Y 117 doutee, p. p. ; Y 113, AK 35, dout, ind. pr. 1 ; AD 1, doute, ind. pr. 3 ; Z 95, J 174, doutent, ind. pr. 6 : redouter, craindre — G 16, se dote, J 168, se doute, ind. pr. 3 de douter (soi) : redouter, craindre. d’enqueste
169 Et font tel tenir a preudomme
170 Qui ne croit pas la loi de Romme.
171 Ainsi font large de l’averaver, R 40, subs. m. pl. ; J 171, adj. m. s. : avare.,
172 De tel qu’il devroient laver
173 Le don qu’il reçoivent de lui.
174 Li Frere ne doutentdouter, X 66, AB 119, F 38 ; Y 82 doutei, Y 117 doutee, p. p. ; Y 113, AK 35, dout, ind. pr. 1 ; AD 1, doute, ind. pr. 3 ; Z 95, J 174, doutent, ind. pr. 6 : redouter, craindre — G 16, se dote, J 168, se doute, ind. pr. 3 de douter (soi) : redouter, craindre. nului,
175 Ce puet l’en bien jurer et dire.
176        De Debonereté et d’Ire[18]
177 Orrez le poingneïspoingneïs, J 177 : combat. mortel ;
178 Més en l’estorestor, estour, s. m., AC 80, T 137 : attaque, assaut ; J 178 : bataille ; AD 8 : combat moral. i ot mort tel
179 Dont domages fu de sa mort.
180 La mort qui a mordreamordre, K 62 : attacher — AB 203, amort, ind. pr. 3 : effrayer — A 31 amorde, subj. pr. 3 : happer — J 153, S’amordre, AF 2, me voudrai amordre, AT 204, 436, se vout amordre, inf. de amordre (soi), J 180 s’amort, AE S’en amort, ind. pr. 3 : S’appliquer, s’attacher — Y 74 S’amort, ind. pr. 3 : se mêle — AB 205 S’amort, AF 3 S’amort : S’acharne. s’amort,
181 Qui n’espargne ne blanc ne noir,
182 Mena celui a son manoir ;
183 Si n’estoit pas moult anciens
184 Et ot non mestre Crestiens[19] ;
185 Mestres ert de divinitédivinité, s. f., K 57, B 20, J 86 : théologie ; J 185, mestre de divinité : maître en théologie. :
186 Pou verrez més devindevin, J 186, F 69, H 294, G 37, s. m. : théologien. itéité, J 186 : tel..
187 Deboneretez et dame Ire[20],
188 Qui sovent a mestiermestiers (estre m.), U 66, Y 44, 111, 123, X 43, AK 90, R 138, AS 660, AV 516 : être nécessaire — mestier (avoir m. a), W 59, AE 288 : être utile à — mestier (avoir m. de), X 130, J 188, AT 9, Z 125 : avoir besoin de. de miremire, J 188, L 10, A 82, 85, 86, 87 : médecin.,
189 Vindrent, lor genz toutes rengies,
190 L’une des autres estrangiesestrangie, p. p. f. de estrangier, J 112 : écartée ; J 190, estrangies : séparées ; R 174, estrangiez, p. p. m. : séparé.,
191 Devant l’apostoile Alixandre
192 Por droit oïr et por droit prendre.
193 Li Frere Jacobin i furent
194 Por oïr droit, si comme il durent,
195 Et Guillaumes de Saint Amor ;
196 Quar il avoient fet clamorclamor, s. f., E 68, AB 162, J 196, E 91, D 6 : plainte en justice. [21]
197 De ses sermons, de ses paroles.
198 Si m’est avis que l’apostoles[22]
199 Bani icel mestre Guillaume
200 D’autrui terre et d’autrui roiaume.
201 S’il a partout tel avantage,
202 Baron i ont honte et domage,
203 Qu’ainsi n’ont il riens en lor terre,
204 Qui la verité veut enquerre.
205 Or dient moult de bone gent,
206 Cui il ne fu ne bel ne gent
207 Qu’il fust baniz, c’on li fist tort.
208 Més ce sachent et droit et tort
209 C’on puet bien dire trop de voir[23] :
210 Bien le poez apercevoir
211 Par cestui qui en fu banis.
212 Et si ne fu mie fenisfenir, AB 120, jusqu’au fenir ; inf. substantivé : jusqu’à la mort ; AS 934, AT 2026, fenie, p. p. : morte ; J 212, p. p. m. fenis : terminé.
213 Li plaisplais, plaiz, plet, AE 245, plaiz : cour de justice ; J 213 plais : procès ; AU 206, plet : affaire, cause.[24], ainz dura par grant piece ;
214 Quar la cort, qui fet et depiecedepiece, J 214, ind. pr. 3 de despecier : rompre.[25],
215 Nutnut, J 215, AT 1140, parf. 3 de nuire, v. trans. : nuire à ; Z 24, neüst, subj. imp. 3 ; neü, AK 79, p. p. de nuire. Guillaume de Saint-Amor
216 Et par priere et par cremorcremour, AB 168, J 116 cremor, 216 cremor : crainte.[26].
217 Cil de cort ne sevent qu’il font,
218 Quar il font ce qu’autres desfont
219 Et si desfont ce qu’autres fet :
220 Ainsi n’avront il jamés fet.
   
  Explicit la bataille des vices contre les vertuz.
   
   
Manuscrits : A, fol. 326 v° ; C, fol. 11 v°.
Texte et graphie de A.
Alinéas de AC aux v. 37 et 187, de C aux v. 57, 97, 149, et de notre fait aux v. 143, 159, 176.
Titre : C Ci encoumence li diz de la mensonge — 3 C est casseiz de — 4 C honist et — 9 C a ouvreir — 14 A esleus — 20 C Humiliteiz — 24 C debonairetei — 33 C gastei — 34 C chasteiz — 38 C Se bone gent sunt — 39 C Q. les d. — 41 C Por preschier et por l. — 42 C Pour — 59 C teiz — 62 C Teiz bienz — 64 C En n. — 70 C honte — 72 C coumande — 73 C el — 83 C rutebeuf douz p. — 85 C umiliteiz — 86 diviniteiz — 87 C leuee — 91 C ce mq. — 93 C Coustantinnoble Romenie — 104 A non d. IX, C nuef — 107 C Or dient a. —110 C P. quoi il — 116 C Que — 130 C il mq. — 132 C fondemens — 133 C fondemens — 135 C chayz — 36 C fenis — 149 C lait — 151 C est mq. — 161 C desus — 162 C chars — 163 C qui le — 168 C doutent — 170 C ne tient p. — 178 C en l’estac — 180 C mors — 195 A Guill’ — 198 C Car — 199 C b. ice m. — 200 A et d’autre r. — 207 C fu h. ; li fit — 213 C d. puis g.214 C cours — 215 C Nuit — 216 C Et mq. — 217 C c. font bien ce — 218 C il defont ce qu’autre font — C Explicit.
 

[1] Les textes faisant autorité en matière de doctrine.

[2] 37-38. Voir Notice. Cf. O 661-662. La leçon bone gent sunt de C fait disparaître le nom de Rutebeuf, mais elle est fausse, puisque voirdisanz (C voir dizans), exigé par la rime, ne saurait être l’attribut d’un sujet au pluriel.

[3] 37-144. Tout le développement est une apologie ironique des Ordres qu’il faut prendre à contre-pied.

[4] L’exemple donné par les Apôtres, comme on lit dans leurs Actes.

[5] 57-74. Cf. F 139-148 et note.

[6] 79-134. Au sujet des constructions des Frères voir Notice, p. 304.

[7] 85-93. « Qu’humilité et sainte théologie soient enseignées dans un palais digne d’un roi, construit grâce à des aumônes, à des legs et à l’argent du meilleur roi qui ait jamais détesté le désordre, ne vaut-il pas mieux que d’aller secourir la Terre, — Constantinople, Romanie, — où les fous vont passer leur folie. »

[8] 94-96. Cf. F 19 ss. L’idée arrive ici de façon inattendue et rompt avec le ton ironique de ce qui précède.

[9] Façon de dire « pendant huit ou neuf mois ». Cf. De celui qui bouta la pierre, 2e rédaction (M. R..., t. VI, p. 147), v. 15 : « Qui n’avoit pas set anz, non sis », c’est-à-dire « entre six et sept ans ».

[10] Le Liege, le pays de Liège, souvent nommé dans les chansons de geste. S’il s’agit bien ici du nom propre, il faut sans doute entendre : « elle attendrait bien que, depuis le pays de Liège, on vînt lui lever le siège ».

[11] 107-140. Pour cette idée que, le roi disparaissant, la fortune des Frères tournerait, cf. L 80-84 (où il s’agit des Sachets) et E 187. Elle aurait pu être suggérée à Rutebeuf par l’état de santé du roi, très faible en 1267 (Joinville, § 737), et qui déjà en 1265 inspirait des inquiétudes au pape Clément IV (voir Le Nain De Tillemont, Vie de s. Louis, t. V, pp. 10-12) ; mais l’on ne saurait rien tirer de là quant à la date du poème, vu que E, où l’idée apparaît, bien que moins nette, remonte à 1259.

[12] « ils s’en doutent bien ».

[13] Pour por ce quar = por ce que, cf. T.-L., II, 40, 13-18.

[14] 141-142. Arrangement d’un proverbe connu sous diverses formes ; en latin, quando ponant nolunt, quando vellent non poterunt (Jacques de Vitry, sermon XLVII, dans Pitra, Analecta novissima, t. II, p. 430) ; en français : « Qui ne fet quant il puet ne fait quant il vuelt » (Morawski, n° 2026 ; cf. nos 1458 et 2107).

[15] 147-148. Écho déformé des reproches faits aux Frères dans le De Periculis, cap. V,  p. 32 : « penetrant domos singulorum, rimantes proprietates sive secreta cujusque », et largement développé dans les Collectiones, pp. 196-201, — textes où ces mots sont pris au figuré, tandis que Rutebeuf les entend au concret.

[16] porter bone bouche. Selon le T.-L., « avoir bonne réputation ». Le sens serait alors ici : « ils ont bonne réputation et chacun doit craindre le blâme (de ne pas les accueillir) ». Toutefois, des deux exemples (outre le nôtre) appuyant cette traduction, celui du Jeu de la Feuillée, v. 745, n’est pas probant : le contexte indique plutôt le sens « se taire, être discret », qui est couramment celui de avoir bone bouche ; et quant au texte du Geus d’aventures (Jubinal, Jongleurs et Trouvères, p. 157), le sens n’en est pas certain. Il n’est pas tout à fait exclu que, dans notre passage, l’expression puisse signifier « font les bonnes réputations » (cf. v. 166-170).

[17] 159-173. Manière amusante, dans la ligne ironique du poème, de présenter comme une victoire des Frères sur l’Avarice ce qu’ailleurs l’auteur leur impute à crime : menaces de délation (v. 164-168 ; cf. F 149-152, à propos de prêtres irréprochables), complaisance pour les pires coupables, du moment que ceux-ci peuvent payer (v. 171-173 ; cf. F 19-52). Sens du passage : « Car le mauvais homme se hérisse de peur en les voyant venir ; il s’empresse de trouver ce qui peut leur plaire ; car ils savent beaucoup de choses (dont ils pourraient se servir contre lui) ; il les accueille donc avec empressement, parce qu’il redoute leur enquête, et qu’ils peuvent, inversement, faire passer un mécréant pour un digne homme. » L’idée de la crainte inspirée aux mauvais en pareille circonstance a été exprimée avec verve par Jean de Meung, Rose, v. 11720-11786.

[18] A partir d’ici cesse le ton de l’ironie.

[19] Chrétien de Beauvais, maître en théologie. Voir Introduction, p. 79, et Notice, p. 305.

[20] 187-197. Il s’agit du procès d’octobre 1256 en cour de Rome. Voir Introduction, p. 79.

[21] 196-197. C’est bien en effet à cause de six de ses sermons et de propos tenus par lui en diverses occasions que Guillaume de Saint-Amour avait été cité à Rome par les Frères Prêcheurs. Voir ses Responsiones.

[22] 198-204. Cf. C, vers 17-20, dont les deux derniers sont ici reproduits presque dans les mêmes termes.

[23] Cf. E 157-158. Sans doute par allusion à un proverbe répandu sous des formes diverses : « Aucune fois voir dire nuit » (Morawski, n° 175) ; en latin : « Lites interdum fert qui vult dicere verum » (Werner, L 47 ; cf. N 146).

[24] Li plais, non plus le procès à proprement parler, mais l’effervescence dont il fut l’origine.

[25] 214 et 217-219. L’inconséquence est qu’en octobre 1256 les Frères l’emportèrent, alors qu’ils avaient perdu en 1254 sous le pontificat d’Innocent IV, et aussi que Guillaume avait été condamné bien que reconnu non coupable par la commission chargée d’examiner son cas.

[26] Par complaisance et par peur, les deux vices des condamnations injustes Cf. F 70-76 et note.

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