Achille Jubinal, Des Béguines
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Le texte
  Œuvres complètes de Rutebeuf, trouvère du XIIIe siècle, recueillies et mises au jour pour la première
  fois par Achille Jubinal, Nouvelle édition revue et corrigée, A. Jubinal, 1874 : Paris, Paul Daffis, vol. 1, pp. 221-223.
   
  Des Béguines,
  Ou ci encoumence
  Li Diz des Béguines[1].
  Mss. 7615, 7633.
   
1 En riens que Béguine die
2 N’entendeiz tuit ſe bien non ;
3 Tot eſt de religion
4 Quanque hon trueve en ſa vie.
5 Sa parole eſt prophétie ;
6 S’ele rit, c’eſt compaignie ;
7 S’el’ pleure, dévocion ;
8 S’ele dort, ele eſt ravie ;
9 S’el ſonge, c’est vifion ;
10 S’ele ment, non créeiz mie.
11 Se Béguine ſe marie,
12 S’eſt ſa converſacions ;
13 Ces veulz, ſa prophécions
14 N’eſt pas à toute ſa vie[2].
15 Ceſt an pleure & ceſt an prie,
16 Et ceſt an panrra baron.
17 Or eſt Marthe, or ceſt Marie[3] ;
18 Or ſe garde, or ſe marie,
19 Mais n’en dites ſe bien non :
20 Li Rois no ſofferroit mie.
   
  Explicit des Béguines.
 

[1] Cette pièce est imprimée dans le tome II des Fabliaux de Méon, pages 37 et 38, à la ſin d’une dissertation sur les étymologies due à Barbazan, lequel a joint au texte une traduction littérale, par laquelle, dit-il, « on verra combien il est difficile d’approcher de la beauté de l’original. » Cette pièce est, en effet, remarquable par la finesse de son ironie et par la pensée qui y préside. J’ajouterai cependant que tout le monde n’a pas traité les Béguines aussi durement que Rutebeuf. Thomas de Cantimpré parle de leurs mœurs avec éloges et s’étend beaucoup sur leur piété ; mais un écrivain postérieur, Villon, les a fort décriées en leur faisant dans son testament le legs que voici :

                   Item, aux frères mendians,

                   Aux dévotes & aux Beguines,

                   Tant de Paris que d’Orléans.

                   Tant turlupins, tant turlupines,

                   De graſſes ſoupes jacobines.

Ce qui veut dire, d’après un vieux Cuisinier Francois : « un potage fait avec de la chair de perdrix et de chapon rôtis, désossés, et hachés bien menu avec du bouillon d’amande qu’on verse sur du pain bien mitonné et sur un lit de fromage, etc. »

M. Paulin Paris dit que cette pièce « est une véritable chanson. » Soit ! mais ces deux seuls Ditz de Rutebeuf qui portent ce nom dans les manuscrits, sont la chanson de Puille et la chanson des Ordres. Quant au Diz des Béguines, je trouve qu’il a beaucoup plus d’analogie par la forme et par le fond, avec la fine satire intitulée : « C’est de Brichemer » qu’avec tout autre genre de compositions. J’ajoute qu’il ne présente pas, comme la chanson des Ordres, ce qui semble si nécessaire à la chanson : — le refrain.

Un mot encore à ce sujet. Il est surprenant que Rutebeuf, qui était avant tout un poëte spirituel, primesautier de vive allure, ne nous ait pas laissé quelques chansons : cela allait à son caractère et à la tournure de son talent. Les chansons badines ou bouffonnes, érotiques mêmes, étaient d’ailleurs très à la mode au XIIIe siècle, et Thibault de Champagne, à lui seul, nous en a laissé plus de soixante. L’abstention de Rutebeuf est d’autant plus regrettable, que, selon Daunou, et c’est aussi notre avis, « les chansons françaises du XIIIe siècle soutiennent avantageusement le parallèle avec les chansons provençales du même temps : les idées y sont plus ingénieuses, l’expression des sentiments y est plus simple, et, par conséquent, plus vraie. »

[2] Villon a encore dit de nos religieuses avec sa malice ordinaire :

                   Et puis après ſoubz les courtines

                   Parler de contemplation

Leur couvent était situé rue des Barrés, n° 24. On l’a nommé depuis l’Ave-Maria. Il fut bâti sur un emplacement acheté par saint Louis à Étienne, abbé de Tiron.

[3] Baron, mari.

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