Michel Zink, La chanson des ordres
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Le texte
  Œuvres complètes de Rutebeuf, texte établi, traduit, annoté et présenté avec variantes par Michel Zink,
  M. Zink, 1990 : Paris, Garnier, vol. 1, pp. 390-394.
   
  LA CHANSON DES ORDRES
   
  I
1 Dou siecle vuel chanteir
2 Que je voi enchanteir.
3 Teiz venz porra venteir
4 Qu’il n’ira pas ensi.
5 Papelart et beguin[1]
6 Ont le siecle houni.
  II
7 Tant d’ordres avons ici,
8 Ne sai qui les sonja :
9 Ains Dex teiz genz n’onja
10 N’il ne sont ci ami.
11 Papelart et beguin
12 [Ont le siecle houni.]
  III
13 Frere Predicatour f. 2 r° 2
14 Sont de mout simple atour,
15 Et s’ont en lor destour,
16 Sachiez, maint parisi.
17 Pa[pelart] et [beguin]
18 [Ont le siecle houni.]
  IV
19 Et li Frere Menu
20 Nos ront si pres tenu
21 Que il ont retenu
22 De l’avoir autresi.
23 P[apelart] et b[eguin]
24 [Ont le siecle houni.]
  V
25 Qui ces .II. n’obeït
26 Et qui ne lor gehit
27 Quanque il onques fist,
28 Teiz bougres[2] ne nasqui.
29 P[apelart] et b[eguin]
30 [Ont le siecle houni.]
  VI
31 Assez dient de bien,
32 Ne sai c’il en font rien.
33 Qui lor done dou bien,
34 Teil proudome ne vi.
35 P[apelart] et [beguin]
36 [Ont le siecle houni.]
  VII
37 Cil de la Trinitei
38 Ont grant fraternitei.
39 Bien se sont aquitei :
40 D’anes ont fait roncins[3].
41 P[apelart et beguin]
42 [Ont le siecle houni.]
  VIII
43 Et li Frere Barrei
44 Resont craz et quarrei.
45 Ne sont pas enserrei :
46 Je les vi mescredi.
47 P[apelart et beguin]
48 [Ont le siecle houni.]
  IX
49 Nostre Freire Sachier
50 Ont lumeignon fait chier[4].
51 Chacuns semble vachier
52 Qui ist de son maisni.
53 P[apelart et beguin]
54 [Ont le siecle houni.]
  X
55 Beguines avon mont
56 Qui larges robes ont.
57 Desouz les robes font
58 Se que pas ne vos di.
59 P[apelart et beguin]
60 [Ont le siecle houni.]
  XI
61 Sept vins filles ou plus
62 At li rois en renclus[5].
63 Onques mais cuens ne duz
64 Tant n’en engenuÿ.
65 P[apelart et beguin]
66 [Ont le siecle houni.]
  XII
67 L’Ordres des Nonvoians[6], f. 2 v° 1
68 Teiz Ordres est bien noians.
69 Il tastent par laians :
70 « Quant venistes vos ci ? »
71 P[apelart et beguin]
72 [Ont le siecle houni.]
  XIII
73 Li Frere Guillermin,
74 Li autre Frere Hermin[7],
75 M’amor lor atermin :
76 Jes amerai mardi.
77 Papelart et beguin
78 Ont le siecle honi
   
  Explicit
   
   
Manuscrits : A, f. 314 v° ; B, f. 67 r° ; C, f. 2 r°. Texte de C.
 
Titre : A Des ordres, B Les autres diz des ordres - 9. B Aint d. tel gent non ia - 16. A Mainte bon p., B De maint bon p. - 20. A ont - 25. AB obeist - 26. A gehist, B geist - 27. A Quanqu’il onques feist, B Canques il onques fist - 44. B gros et. - str. IX mq. B. - str. X-XI interverties dans AB. - 55. A ml’t - 57. B Desor lor r. ont - 64. A congenui - 75. A M’amor les a. - 78. B Ont cest s. - A Expliciunt les ordres, B Explicit l’autre dit des ordres.
 

[1] Les papelards sont, comme aujourd’hui, de faux dévôts : « Tel fait devant le papelart / Qui par derriere pape lart » [larde le pape] (Gautier de Coincy ; même plaisanterie dans un dit artésien). Les mots papelards et béguins étaient souvent associés, ce qui revenait à accuser les béguins de dévotion hypocrite. Béguines et béguins, après avoir été protégés et encouragés par les Cisterciens, étaient sous la mouvance des Dominicains (cf. Ordres de Paris, n. 4). Les Jacobins sont mentionés à plusieurs reprises en liaison avec les papelards et les béguins dans la Chronique de Philippe Mouskès : « Et tout çou li firent beghin / Et papelart et Jacobin » (v. 30726).

[2] Sur bougre, voir Dit des Jacobins 50 et n. 5.

[3] La règle des Frères de la Sainte-Trinité leur interdisait d’utiliser d’autre monture que des ânes. Ils demandèrent le droit de monter des chevaux, qui leur fut accordé par une lettre du pape Urbain IV à l’évêque de Paris en date du 11 décembre 1262, rendue exécutoire par une décison de l’évêque en mai 1263.

[4] Pour expliquer ce vers, F.-B. cite un passage du Livre des Métiers d’Etienne Boileau, qui sanctionne certains délits d’une amende « a .IIII. deniers a l’uille a lempes des Sachés », et commente : « Il devait donc exister des redevances spéciales pour le luminaire des Sachets : d’où la plaisanterie de Rutebeuf, jugeant que leurs lumignons revenaient cher à qui en payait l’huile » (I, 333). Mais Félix Lecoy (1964) a fait observer qu’une amende n’est pas une « redevance » et surtout que le mot lumignon ne peut s’appliquer à l’huile d’une lampe, mais désigne toujours en ancien français la mèche d’une chandelle. Ces mèches étaient de chanvre, comme le misérable habit des Sachets. La consommation qu’ils font du chanvre provoque son renchérissement, et donc celui des lumignons (plaisanterie analogue dans une pièce satirique lors de la dissolution des communautés de béguines en 1318). Notre traduction suit l’interprétation de F. Lecoy, qui en outre préserve seule la cohérence de la strophe : il est naturel que le poète, ayant évoqué l’habit grossier des Sachets, les compare ensuite à des vachers.

[5] Sur les Filles-Dieu, protégées par saint Louis, voir Ordres de Paris 97-120.

[6] Les Quinze-Vingt (Ordres de Paris 85-96).

[7] Les Ermites de Saint Augustin.

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