J. Bastin & E. Faral, La povrete Rutebuef
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Le texte
  Œuvres complètes de Rutebeuf, J. Bastin & E. Faral, 1959-1960 : Paris, Picard, vol. 1, pp. 570-572.
   
  C’est de la povretei Rutebuef.
   
1 Je ne sai par ou je coumance, fol. 45 r°
2 Tant ai de matyere abondance
3 Por parleir de ma povretei.
4 Por Dieu vos pri, frans rois de France,
5 Que me doneiz queilque chevancechevance, AO 40, AM 61, AP 5, L 15 : moyens de vivre, subsistance.,
6 Si fereiz trop grant charitei.
7 J’ai vescu de l’autrui chateichatei, AB 230, V 43, F 22 chatels, 47 chaté, AP 7, H 140 cheté : biens, possessions ; R 134 chatez : marchandise.
8 Que hon m’a creücroire, AG 94 : vendre à crédit ; AP 8 (m’a) creü, p. p. : m’a vendu à crédit — AG 102, creüs (seras) : tu seras cru et on te fera crédit (calembour sur les deux sens). Cf. acroire. et prestei :
9 Or me faut chacuns de creance[1],
10 C’om me seit povre et endetei ;
11 Vos raveiz[2] hors dou reigne estei,
12 Ou[3] toute avoie m’atendanceatendance, AE 72 : attente — AP 12 : esperance..
   
13 Entreentre, AP 13, particule de liaison qui renforce la conjonction et. chier tens[4] et ma mainie,
14 Qui n’est malade ne fainie[5],
15 Ne m’ont laissié deniers ne gages.
16 Gent truis d’escondire arainiearainie, AP 16 : pleine d’à-propos, de verve pour... (T-L propose aramie). [6]
17 Et de doneir mal enseignie :
18 Dou sien gardeir est chacuns sages.
19 Mors me ra[7] fait de granz damages ;
20 Et vos, boens rois, en deus voiagesvoiages, Z 56, s. m. : voyage d’outremer, croisade — AP 20 : expédition militaire qui peut, on non, être une croisade.
21 M’aveiz bone gent esloignie,
22 Et li lontainz pelerinages
23 De Tunes, qui est leuz sauvages,
24 Et la male gent renoïe.
   
25 Granz rois, s’il avient qu’a vos faillefaillir, BD 45 ; faut, W 36, AL 9, P 30, C 60, ind. pr. 3 de faillir ; E 124, AS 475, failli, p.p. ; AD 121 fausist, subj. imp. 3 : manquer — AP 27 faut, ind. pr. 3 ; H 158 faillent, ind. pr. 6 ; AB 231 faudra, fut. 3 ; G 115, AP 27, Q 5, failliz, faillie, p.p. : faire défaut — AE 228, 305, X 173 faut, ind. pr. 3 : cesser, être défaillant — BD 10 faillent, ind. pr. 6 : ne pas tenir ses promesses — X 77, AE 225, failliez, ind. pr. 5 ; AU 172, failles, subj. pr. 2 ; AE 226 faudra, fut. 3 : faillir à quelqu’un, faire défaut à — AP 25, faille, subj. pr. 1, AP 26 failli, p. p. : faillir à quelqu’un, ne pas obtenir son aide — H 92 faillir, inf. ; F 31, BG 5, 19, p. p. : faillir a quelque chose, ne pas obtenir, perdre.[8],
26 A touz ai ge faillifaillir, BD 45 ; faut, W 36, AL 9, P 30, C 60, ind. pr. 3 de faillir ; E 124, AS 475, failli, p.p. ; AD 121 fausist, subj. imp. 3 : manquer — AP 27 faut, ind. pr. 3 ; H 158 faillent, ind. pr. 6 ; AB 231 faudra, fut. 3 ; G 115, AP 27, Q 5, failliz, faillie, p.p. : faire défaut — AE 228, 305, X 173 faut, ind. pr. 3 : cesser, être défaillant — BD 10 faillent, ind. pr. 6 : ne pas tenir ses promesses — X 77, AE 225, failliez, ind. pr. 5 ; AU 172, failles, subj. pr. 2 ; AE 226 faudra, fut. 3 : faillir à quelqu’un, faire défaut à — AP 25, faille, subj. pr. 1, AP 26 failli, p. p. : faillir à quelqu’un, ne pas obtenir son aide — H 92 faillir, inf. ; F 31, BG 5, 19, p. p. : faillir a quelque chose, ne pas obtenir, perdre. sanz faillefaille (sanz), AK 160, AP 26, A V 617 : sans faute, certainement..
27 Vivres me fautfaillir, BD 45 ; faut, W 36, AL 9, P 30, C 60, ind. pr. 3 de faillir ; E 124, AS 475, failli, p.p. ; AD 121 fausist, subj. imp. 3 : manquer — AP 27 faut, ind. pr. 3 ; H 158 faillent, ind. pr. 6 ; AB 231 faudra, fut. 3 ; G 115, AP 27, Q 5, failliz, faillie, p.p. : faire défaut — AE 228, 305, X 173 faut, ind. pr. 3 : cesser, être défaillant — BD 10 faillent, ind. pr. 6 : ne pas tenir ses promesses — X 77, AE 225, failliez, ind. pr. 5 ; AU 172, failles, subj. pr. 2 ; AE 226 faudra, fut. 3 : faillir à quelqu’un, faire défaut à — AP 25, faille, subj. pr. 1, AP 26 failli, p. p. : faillir à quelqu’un, ne pas obtenir son aide — H 92 faillir, inf. ; F 31, BG 5, 19, p. p. : faillir a quelque chose, ne pas obtenir, perdre. et est faillizfaillir, BD 45 ; faut, W 36, AL 9, P 30, C 60, ind. pr. 3 de faillir ; E 124, AS 475, failli, p.p. ; AD 121 fausist, subj. imp. 3 : manquer — AP 27 faut, ind. pr. 3 ; H 158 faillent, ind. pr. 6 ; AB 231 faudra, fut. 3 ; G 115, AP 27, Q 5, failliz, faillie, p.p. : faire défaut — AE 228, 305, X 173 faut, ind. pr. 3 : cesser, être défaillant — BD 10 faillent, ind. pr. 6 : ne pas tenir ses promesses — X 77, AE 225, failliez, ind. pr. 5 ; AU 172, failles, subj. pr. 2 ; AE 226 faudra, fut. 3 : faillir à quelqu’un, faire défaut à — AP 25, faille, subj. pr. 1, AP 26 failli, p. p. : faillir à quelqu’un, ne pas obtenir son aide — H 92 faillir, inf. ; F 31, BG 5, 19, p. p. : faillir a quelque chose, ne pas obtenir, perdre. ;
28 Nuns ne me tent, nuns ne me baille,
29 Je touz de froit, de fain baaille,
30 Dont je suis mors et maubailliz.
31 Je suis sanz coutes et sanz liz,
32 N’a si povre juqu’a Sanliz.
33 Sire, si ne sai quel part aille ;
34 Mes costeiz connoit le paillizpalliz, s. in., G 116, AP 34 : lit de paille.,
35 Et liz de paille n’est pas liz,
36 Et en mon lit n’a fors la paille.
   
37 Sire, je vos fais a savoir
38 Je n’ai de quoi do pain avoir.
39 A Paris sui entre touz biens,
40 Et n’i a nul[9] qui i soit miens.
41 Prou[10] i voi et si i preigpreig, AP 41, ind. pr. 1 de prendre. pou ;
42 Il m’i souvient plus de saint Pou
43 Qu’il ne fait de nul autre apotre[11].
44 Bien sai pater, ne sai qu’est notre[12],
45 Que li chiers tenz m’a tot ostei,
46 Qu’il m’a si vuidié mon hostei
47 Que li credo[13] m’est deveeizdeveeiz, AP 47, p. p. de deveer : refuser.,
48 Et je n’ai plus que vos veeiz.
   
  Explicit.
   
   
Manuscrit : C, fol. 44 v°.
Graphie normalisée : 25 cil.
Ms. 15 gage. — Ms. 41 Pou.
 

[1] « Personne ne m’accorde plus de crédit. »

[2] raveiz, « vous avez, de votre côté ».

[3] Ou, « Vous en qui ». Il faudrait conclure de là que, les années précédentes, malgré quelques nuages, l’auteur avait été traité favorablement par le roi.

[4] chier tens, cf. v. 45, « vie chère, disette, pénurie ». Équivalent de chierté. En latin, carestia, caristia, que, dans AT 844, Rutebeuf a traduit par famine (Robert de Camblineul, p. 399, par tans chier). Aux exemples de l’expression donnés par le T.-L., II, 395, ajouter : Courtois d’Arras, v. 574, 630 ; Prêtre qu’on porte (M. R., t. IV, p. 83, v. 6) ; Vergier de Paradis (Jubinal., Nouv. Recueil, t. II, p. 292) ; etc. Expressions apparentées dans AK 62-63.

[5] fainie. Il est difficile de reconnaître ici le verbe fenir, au sens de « mourir », qui pourtant conviendrait au passage : le scribe, même compte tenu de ses habitudes dialectales, n’aurait pas écrit ai au lieu de e. De plus, nulle part ailleurs Rutebeuf ne réduit à -ie les participes féminins en -iee, contrairement à ce qui arriverait ici dans le cas où arainie devrait rimer avec fenie, issu de fenir. Enfin, la rime avec les deux mots tout proches mai(s)nie (v. 13) et arai(s)nie (v. 16) suppose un fai(s)nie. Antoine Thomas (Romania, XLIV, 1915-17, p. 347, n. 1) n’a pas hésité, pour notre passage, à prendre fainie comme le participe passé de faisnier. Ce verbe (T.-L., III, 1596) signifie « ensorceler, tromper, égarer ». Ici, peut-être appelé par le besoin d’une rime, il pourrait vouloir dire « qui a l’esprit dérangé ». Le sens du vers serait « qui est saine de corps et d’esprit », « bien portante », et par conséquent (sous-entendu) « de bon appétit ».

Selon toute vraisemblance, les finales en -ie de toute la strophe écrites ainsi par le scribe de C selon ses habitudes dialectales, devraient être remplacées par -iee, selon l’usage de Rutebeuf.

[6] arainie de, « habile (en paroles) pour ».

[7] ra, « a, d’autre part ». Il s’agit sans doute de la mort de protecteurs.

[8] 25-27. « Grand roi, s’il arrive que je vous perde (comme bienfaiteur), alors j’ai perdu tout le monde sans exception. Il me faut de quoi vivre, et je n’en ai plus ; personne ne me donne..., etc. » Kressner, suivi par M. Lucas, a mis le vers 26 entre parenthèses, sans bénéfice, au contraire, pour la logique du développement. Pour le sens ici en cause de faillir a quelqu’un, cf. le T.-L., III, 1610, 43-52.

[9] nul, « nul bien ».

[10] Le texte du ms. ne donne pas de sens acceptable : l’idée que Rutebeuf souffrirait de sa vue (cf. AM et AO) n’a aucune place dans le contexte. La correction du premier pou en prou s’impose (« j’y vois beaucoup de choses, à Paris, mais je n’en jouis pas »).

[11] il, impersonnel.

[12] notre, jeu de mots : second mot de la prière, et idée de possession.

[13] credo, jeu de mots : le « credo », et le crédit.

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