Achille Jubinal, La Chansons de Puille
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Le texte
  Œuvres complètes de Rutebeuf, trouvère du XIIIe siècle, recueillies et mises au jour pour la première
  fois par Achille Jubinal, Nouvelle édition revue et corrigée, A. Jubinal, 1874 : Paris, Paul Daffis, vol. 1, pp. 174-177.
   
  Ci encoumence
  La Chansons de Puille[1].
  Ms. 7633.
   
1 Qu’à l’arme vuet doner ſantei
2 Oie de Puille l’errement ;
3 Diex a ſon règne abandonei,
4 Li ſien le nos vont préſentant
5 Qui de la terre ont ſarmonei.
6 Quanques nos avons meſerrei
7 Nos iert par la croix pardonei :
8 Ne refuſons pas teil préſent.
   
9 Jone gent, qu’aveiz empencei ?
10 De quoi vos iroiz-vos vantant ?
11 Quant vos ſereiz en vieil aei
12 Qu’ireiz-vos à Dieu reprouvant
13 De ce que il vos a donei
14 Cuer & force, & vie & ſantei ?
15 Vos li aveiz le cuer oſtei,
16 C’eſt ce qu’il vuet tant ſeulement.
   
17 Au ſiècle ne ſons que preſtei
18 Por veoir voſtre efforcement ;
19 Nos n’avons yver ne eſtei
20 Dont aions aſſéurement ;
21 Si avons jà grant pièce eſtei,
22 Et qu’i avons conqueſtei
23 Dont l’arme ait nule ſéurtei ?
24 Je n’i vois fors deſpérement.
   
25 Or ne ſoions déſeſpérei,
26 Crion merci hardiement,
27 Car Dieux eſt plains de charitei
28 Et piteuz juqu’au jugement ;
29 Mais lors aura-il toſt contei
30 Un conte plein de grant durtei :
31 « Venez, li buen, à ma citei ;
32 Aleiz, li mal, à dampnement[2]. »
   
33 Lors ſeront li fauz tuer dampnei
34 Qui en ceft fiècle font ſemblant
35 Qu’il ſoient plain d’umilitei
36 Et ſi boen qu’il n’i faut noiant,
37 Et il ſont plain d’iniquitei ;
38 Mais le ſiècle ont ſi enchantei
39 C’om n’oze dire véritei
40 Ce c’on i voit apertement.
   
41 Clerc & prélat qui aünei
42 Ont l’avoir & l’or & l’argent,
43 L’ont-il de lor loiaul chatei ?
44 Lor pères en ot-il avant ?
45 Et lorſque il ſont treſpaſſei,
46 L’avoir que il ont amaſſei
47 Et li ombres d’un viez foſſei
48 Ces .iij. chozes ont .i. ſemblant.
   
49 Vaſſeur qui eſles a l’oſtei,
50 Et vos li bacheleir errant,
51 N’aiez pas tant le ſiècle amei,
52 Ne ſoiez pas ſi non-ſachant
53 Que vos perdeiz la grana clartei
54 Des cielz qui eſt ſanz oſcurtei.
55 Or varra-hon voſtre bontei :
56 Preneiz la croix, Diex vos atant.
   
57 Cuens de Blois, bien aveiz errei[3]
58 Par deſai au tornoiement :
59 Dieux vos a le pooir preſtei,
60 Ne ſaveiz com bien longuement.
61 Montreiz-li ſe l’en ſaveiz grei,
62 Car trop eſt plainz de nicetei[4]
63 Qui por .i. pou de vanitéi
64 Lairat la joie qui ne ment.
   
  Explicit.
 

[1] Cette pièce est évidemment de la mème date que la précédente.

[2] Thibaut de Navarre, le chansonnier, a exprimé à peu près la même pensée dans ces vers :

                   Diex ſe laiſſa por nos en crois pener,

                   Et nos dira au jour où tuit venront :

« Vos ki ma crois m’aidaſtes à porter,

Vos en irez là où li angèle ſont

Là me verrez & ma mère Marie ;

Et vos par qui je n’oi otiques aïe,

Deſcendez tuit en infer le parfont.

[3] Ce comte de Blois est Jean, fils de Hugues de Châtillon. Il est question de ce prince dans La Complainte ou Conte de Nevers.

[4] Nicetei, folie, simplicité. — Il existe sur ce mot une petite pièce intitulée De Niceroles. On la trouve dans mon Recueil de Contes et de Fabliaux.

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