J. Bastin & E. Faral, La chanson de Pouille
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Le texte
  Œuvres complètes de Rutebeuf, J. Bastin & E. Faral, 1959-1960 : Paris, Picard, vol. 1, pp. 432-434.
   
  Ci encoumence la chansons de Puille.
   
  I
1        Qu’a l’arme vuet doner santei
2 Oie de Puille l’errementerrement, V 2 : situation. !
3 Diex a son regneregne, V 3, U 159, E 75, 191, C 8, AK 4 ; U 167 raisne, AU 439 raine, BG 69, raignes, s. m. : royaume. abandonei[1] :
4 Li siensien, pron. possessif, V 4 li sien : les amis (de Dieu) ; AT 1300, le sien : ses biens ; T 78 dou sien, M 33 du sien : de ses biens. le nos vont presentant
5 Qui de la Terre ont sarmoneisermoneir, AE 253, inf. pris subst. : sermon ; AE 201, AB 121, sermoneiz, ind. pr. 5 ; V 5 sermonei, p. p..
6 Quanque nos avons meserreimeserrei, V 6, p. p. de meserrer : mal agir, commettre des fautes.
7 Nos iert par la croix pardonei :
8 Ne refusons pas teil present.
  II
9        Jone gent, qu’aveiz enpenceienpancei, AE 103, V 9, enpensei, p. p. de enpancer ou enpenseir : penser. [2] ?
10 De quoi vos iroiz vos vantant
11 Quant vos sereiz en viel aeiaei, V 11, s. m. : âge. ?
12 Qu’ireiz vos a Dieu reprouvant[3]
13 De ce que il vos a donei
14 Cuer et force et vie et santei ?
15 Vos li aveiz le cuer ostei :
16 C’est ce qu’il vuet, tant seulement.
  III
17        Au siecle ne sons que prestei
18 Por veoir nostre efforcementefforcement, V 18 : effort, force. ;
19 Nos n’avons yver ne estei
20 Dont aions asseürementasseürement, V 20, s. m. : assurance (d’être en vie). ;
21 S’i avons jai grant piece estei,
22 Et qu’i avons nos[4] conquestei
23 Dont l’arme ait nule seürteiseürtei, V 23, s. f. : gage (de vie éternelle). ?
24 Je n’i voi fors desperementdesperement, V 24, s. m. : desespoir..
  IV
25        Or ne soions desesperei,
26 Crions merci hardiement,
27 Car Dieux est plains de charitei[5]
28 Et piteuzpiteuz, pitouz, V 28, Y 106 : miséricordieux — U 102, piteuze (parole) : émouvante. juqu’au Jugement.
29 Mais lors avra il tost contei
30 Un conte plain de grant durtei
31 « Veneiz, li boen, a ma citei[6] !
32 Aleiz, li mal, a dampnement ! »
  V
33        Lors seront li fauz cuer dampnei
34 Qui en cest sieclesiecle, s. m., AE 331, AB 126, 133, W 14, 29, V 34, 51, T 20, 42, 128, P 4, etc. : monde — AM 91 : genre de vie ; AQ 82 : monde. font semblant
35 Qu’il soient plain d’umilitei
36 Et si boen qu’il n’i faut noiant,
37 Et[7] il sont plain d’iniquitei ;
38 Mais le siecle ont si enchanteienchanter, M 2, inf. passif : être ensorcelé ; L 133, ind. pr. 3 m’enchante : trouble ma raison ; AH 53 enchantent ind. pr. 6 : ensorcèlent ; V 38, enchantei, p.p., K 44, p. p. m. pl. enchanté : ensorcelés ; AQ 40, enchanté, p. p. : trompé, abusé.
39 C’om n’oze dire veritei[8]
40 Ce c’on i voit apertementapertement, V 40 : clairement. .
  VI
41        Clerc et prelat qui aüneiaüné, L 122, V 41, p. p. de aüner : rassembler ; AE 283 s’aünent, ind. pr. 6 de aüner (soi) : se rassembler. [9]
42 Ont l’avoir et l’or et l’argent
43 L’ont il de lor loiaul chateichatei, AB 230, V 43, F 22 chatels, 47 chaté, AP 7, H 140 cheté : biens, possessions ; R 134 chatez : marchandise. ?
44 Lor peres en ot il avant ?
45 Et lors que il sont trespassei,
46 L’avoir que il ont amassei
47 Et li ombres d’un viez fossei[10],
48 Ces deus chozes ont unun, une, AO 36, V 48, AS 283 : un même ; AO 18 : une même.[11] semblant.
  VII
49        Vasseurvasseur, V 49, s. nom. : vassaux. qui estes a l’ostei,
50 Et vos, li bacheleir errant,
51 N’aiez pas tant le sieclesiecle, s. m., AE 331, AB 126, 133, W 14, 29, V 34, 51, T 20, 42, 128, P 4, etc. : monde — AM 91 : genre de vie ; AQ 82 : monde. amei,
52 Ne soiez pas si nonsachantnonsachant, V 52 : inconscient, insensé.
53 Que vos perdeiz la grant clartei
54 Des cielz, qui est sans oscurtei.
55 Or varra hon vostre bontei :
56 Preneiz la croix, Diex vos atant !
  VIII
57        Cuens de Blois, bien aveiz erreierrei, V 57, p. p. de errer : se conduire.
58 Par desai au tornoiement.
59 Dieux vos a le pooir prestei,
60 Ne saveiz combien longuement.
61 Montreiz li se l’en saveiz grei,
62 Car trop est plainz de niceteinicetei (niceté), V 62 : sottise.
63 Qui por un pou de vanitei
64 Lairatlait, Z 53, 75, 82, AB 52, ind. pr. 3 de laier : laisser ; V 64, lairat, fut. 3 de laier. la joie qui ne mentment, V 64, ind. pr. 3 de mentir : manquer, faillir..
   
  Explicit.
   
   
Manuscrit : C, fol. 59 v°.
Ms. 18 vostre — 22 nos mq.
 

[1] 3-5. Allusion aux indulgences qui furent accordées pour l’expédition en Pouille, considérée comme une croisade.

[2] 9-32. L’idée qu’il faut se hâter de mériter avant d’être frappé par la mort, toujours menaçante, est l’argument favori de Rutebeuf pour appeler à la croisade : cf. W 13-20 ; X 131-144 ; 289-108 ; AB 169-184 ; AE 63-82 et 183-196. En soi, et sans relation avec le devoir de croisade, c’est un thème très ancien dans la littérature parénétique médiévale, aussi bien française que latine, où il est lié à celui de la crainte du Jugement dernier.

[3] 12-16. Un sens connu de reprover est « rappeler un bienfait dont on est l’auteur à un bénéficiaire qui devrait payer de retour » (cf. AV 484-485 et note). Ce sens conviendrait ici en prenant Dieu comme l’auteur du rappel (ainsi que dans le Recueil de Chansons pieuses, p. p. Jarnström, I, 21, v. 41 : « Quant li filz Dieu vous vendra reprover la detresce qu’il vout por nos soffrir... »). Mais il faudrait corrélativement entendre « qu’ireiz vos a Dieu » comme « comment pourrez-vous aller à Dieu... ? », tour insolite, de même que la construction avec de ce que. — L’analogie du v. 10, iroiz vos vantant, invite à lier, au vers 12, ireiz vos et reprovant, le sens devenant alors : « Qu’irez-vous reprocher à Dieu, quand il vous a donné... etc. ? C’est vous qui lui avez refusé votre cœur, la seule chose qu’il réclame » (pour ce désir de Dieu, cf. Z 126).

[4] Au lieu de suppléer nos, l’on pourrait lire que i (Melander).

[5] 27-32. Même mouvement de la pensée dans AE 31-34.

[6] 31-32. D’après Matthieu, XXV, 34 et 41.

[7] Et, « Alors que ».

[8] 39-40. Le vers 40 semble se mal construire avec le précédent : d’où l’idée de corriger Ce en De, « au sujet de ce qu’on y voit » (Melander). — en veritei ne serait pas une amélioration. — On pourrait entendre : « appeler vérité ce qu’on y voit avec évidence », bien qu’ailleurs le poète emploie absolument les expressions dire la vérité (H 78-79 ; L 5) et dire verité (F 3), où dire signifie « exprimer ».

[9] 41-48. Appel aux gens d’Église pour contribuer de leurs deniers. Cf. AE 183-244.

[10] Le sens de cette comparaison nous échappe. L’on pourrait soupçonner un sens particulier de ombres. Cf dans l’Herberie anonyme en prose du ms. 19152 de la Bibl. nat., fol. 89 v°, : « un pié de reine de l’ombre du fossé de braine » (sans doute Braine ; Jubinal, III, 185, a lu à tort brine).

[11] un, « un même ».

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